基本説明
« Manger le livre » est une expression que Jean reçoit, dans
l'Apocalypse (10), d'une voix venant de l'au-delà et qui ordonne de
transmettre aux autres la bonne parole. Cette formule est reprise par
Lacan dans L'éthique de la psychanalyse (leçon du 22 juin
1960). Elle désigne pour lui l'incorporation pulsionnelle orale du
signifiant, laquelle n'amène pas à un changement d'objet mais à une
transformation de l'objet en lui-même, et participe d'une sublimation
(satisfaction pulsionnelle sans refoulement). « Manger le livre »
représente la métonymie du désir comme tel, qui se pose comme condition
absolue dans une perspective de Jugement dernier, au-delà de la demande
et du besoin.
Gérard Haddad, dans son ouvrage Manger le livre, remarque que la formule se trouve déjà dans le Livre d'Ézéchiel (2 et 3), mais non accompagnée d'amertume
comme c'est le cas chez Jean. Il souligne, entre autres, combien elle
contribue à cimenter les communautés des trois religions du Livre,
juive, chrétienne et musulmane, ainsi que son rôle dans l'identification
primordiale au père.
Il s'agit pour nous de continuer à revisiter
la portée de cette formule dans son extension à la psychanalyse. Sans
que cela soit exhaustif, plusieurs pistes peuvent être explorées.
Qu'est-ce qui fait objet de livre aujourd'hui ? Qu'en reste-il après qu'il a été mangé ?
Par
quelles voies s'opère l'incorporation du signifiant ? Par le passage à
la lettre, au chiffre, comme structure localisée du signifiant ?