基本説明
Dans ce quatrième titre de la collection archVives, Arlette Farge interroge la stigmatisation du corps du peuple en se basant sur un registre d'archives du XVIIIe siècle où sont répertoriés avec précision les signalements des galériens. Enchaînés deux à deux, ils sont traînés sur les routes de France, à travers ses villes, jusqu'à Marseille, et, pour ceux qui auront survécu aux mauvais traitements, embarqués en tant que rameurs dans la galère du Roi. Dans ce cortège de souffrance, appelé dans certains textes «char à triomphe», on croise les petits métiers de la rue ou ceux de la paysannerie, la contrebande de faux tabac, les menus larcins... On y croise les juifs et les protestants. Les soldats déserteurs. On y croise la jeunesse.
Les documents d'archives exhumés livrent une liste de portraits consignés par les gardes-chiourmes, des descriptions frustes des galériens, qui s'arrêtent sur les signes distinctifs, les marques de la maladie, les blessures. La photographie n'existait pas alors, et les mots venaient qualifier ces prisonniers qui pouvaient à un moment ou à un autre tenter de s'enfuir et qu'il faillait donc pouvoir identifier. Ces quelques traces fugaces qui témoignent de la confrontation brutale des «gens de peu» avec l'appareil judiciaire et policier, permettent de suivre la constitution progressive, en ce siècle des Lumières, des procédures qui donneront à l'État moderne naissant ses leviers de contrôle et de discipline du corps social.
Grâce au cadre que lui offre la collection archVives, Arlette Farge se permet aussi de faire un pas de côté par rapport à son travail d'historienne.