Full Description
Alors que notre époque semble ne laisser aucune place au secret, il est
difficile d'imaginer quelle fut son importance dans la pensée et la
pratique sous l'Ancien Régime. Le présent volume, issu d'un colloque
international qui s'est tenu à Reims, examine ce que fut le secret
durant les XVIIe et XVIIIe siècles, tout en ouvrant l'étude à des textes
originels comme le Roman du Graal, à la période romantique avec
Senancour, Chateaubriand et Stendhal, voire au XXe siècle. Les
contributions déclinent les diverses formes du secret : discrétion,
dissimulation, énigme, mystère, implicite, clandestinité, espionnage.
Dans la première partie, elles touchent à l'anthropologie et au rapport
qu'entretiennent le politique et la morale. Une esthétique du secret
s'affirme quand les poètes, les peintres et les dramaturges sollicitent
la participation du spectateur. Le «plaisir secret» se charge alors de
valeur positive. Les auteurs, les libraires et les journalistes
n'ignorent pas la valeur pragmatique du secret.
La seconde partie du volume porte sur les fictions. Le roman de cette
époque élabore des dispositifs ingénieux pour exprimer ce qui est à la
fois montré et caché. Il circonscrit le secret dans son ambiguïté, sans
pouvoir le dire vraiment. Quel que soit son intérêt au Grand Siècle, le
secret d'amour tend à se vider de son contenu pour mieux éclairer les
processus de communication. Le roman du siècle suivant hésite entre la
dissimulation et la transparence ; avec le conte, il use de l'énigme et
de la mystification pour mener un combat idéologique et pour interroger
l'inconscient jusque dans l'érotisme et l'inceste. Ainsi la poétique du
secret qui se développe jusqu'au seuil du XIXe siècle permet de repenser
plus largement le rapport du lecteur à la production littéraire.